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Félix au grand palais

Vallotton (1865-1925), d'abord Suisse, puis Parisien :

Cela se passe à une époque lointaine, quand les suisses émigraient en France et se targuaient d'obtenir la nationalité française.

Longtemps que je traîne autour de ce peintre, que je connais à travers quelques travaux accrochés à Orsay. Des illustrations ici ou là, et des lectures lacunaires sur le personnage. Rien de clair. Jamais assez pour satisfaire ma curiosité.

Je découvre donc le principal : la matière à portée d’yeux.

Et je m’introduis dans la sphère privative du peintre et, écrivain. Belle exposition sur 2 étages, il y a de quoi faire, à regarder et voir, comprendre ou deviner. On décrit un artiste « entre deux eaux ». L’expression me va. C'est flou et flux et, fluide.

Félix au grand palais
Félix au grand palais

Beaucoup d’influences, de mode et de son époque. Un peu de suisse dans sa sauce : Ferdinand Hodler (qu’il faut découvrir si pas connu. 1853-1918) et Arnold Böcklin (1827-1901) pour la période symboliste.

Mais évidemment, grosse dose de Paris où Félix fait son trou (et prendra la nationalité). Un peu de classicisme. Il apprend son métier à l’académie Julian, pouponnières des prix de Rome.

(fermée pendant la 2ièm guerre mondiale, studio de la rue du Dragon vendus au très fameux et actuel Penninghen ESAG)

Un rien pompeux qui lorgne sur Ingres, il aime Meissonnier. Et va pourtant flirter avec la façon naïve d’un Rousseau, tâte dans la mytho pour épater et s’enthousiasme pour Degas ou l’œil photographique. Lautrec dans la mire qui traîne dans la profondeur du champ.

Félix au grand palais
Félix au grand palais
Félix au grand palais
Félix au grand palais
Félix au grand palais
Félix au grand palais
Félix au grand palais

La palette est indécise, entre estompe - blanchir ou pas, dans l'idée d'un Puvis de Chavanne - ou bien, trancher dans le vif comme un Gauguin qui découpe à vue, avec générosité, sa lame émoussée. Félix préfère aiguiser ses pinceaux et, se montre moins généreux.

Gauguin et sa suite, tous en nabis, des cachottiers, après Sérusier et son « talisman », M.Denis, E.Bernard etc

Félix Vallotton suit et s'inspire jusqu’à son ami Vuillard. Une photo à la sortie de l’expo, de dos, les deux.

Par contre, bien qu’éclectique, Félix reste toujours à distance des impressionnistes, très loin d’un Monet. Comme obligé par la ligne, intimidé par la lumière brute et envahissante. Fidèle au dessin, au graphisme d’une vie qui doit tenir un trait.

Entre les traits, sa peinture est le plus souvent liquide (très mode aujourd’hui avec l’acrylique et les économes qui font du format géant), parfois, matière et glacis, mais sans abus. Très loin de Vincent VG, de George Rouault (1871-1958 : élève de G.Moreau et peintre que j’adore, aussi => à visiter son atelier (Moreau) / Paris). Klimt ici, Munch par là. Il hésite et teste, s’essaye et se rate par endroits. C’est divers au possible.

Félix au grand palais
Félix au grand palais
Félix au grand palais
Félix au grand palais
Félix au grand palais
Félix au grand palais

Une constante : la femme.

« Qu’est-ce que l’homme a fait de si grave qu’il lui faille subir cette terrifiante associée qu’est la femme » (F.V.), c’est pour dire.

Il adore et déteste. Peur et attirance. Frustration dans le pli et interstices de sa vie. Etude de fesses (« morceau de nu »), très Courbet et ridées. Le commissaire d'expo place un morceau de viande, nature morte bien rouge, à proximité du séant.

Plus loin, un Orphée dépecé par les ménades, au trait net et surface lisse, sinon glacé. Pas vraiment de sang, de drame. Tout plat et pas d’expression. L'homme, poète, en pâture, en peinture dénaturée, livide.

Anarchiste apprenti ou mort-né, Félix lit Proudhon 1809-1865 (comme moi quand jeune) et sa « propriété, c’est le vol », libertaire en marge et puis, finalement, à fond bourgeois aux ordres d’une épousée riche héritière, Gabrielle Rodrigues-Henriques. Extraite (veuve) de la famille Bernheim, des marchands, ça tombe pile poil comme il faut.

Peureux et radical, tranché et liquide. Grands écarts et indécis. Timide et grande gueule, à la manière suisse. Pudique et exhibitionniste. Un vrai tourmenté. Veut faire la guerre (14-18), trop vieux. Il peint un Verdun sans la chair, comme fantastique mais, de surface.

Pas d’audace ?

Beaucoup d’ironie. Un poil cynique, amère, nostalgique ? Retenue et tension. Félix ne lâche pas tout. Incomplet, en recherche de… Ou…

Félix au grand palais
Félix au grand palais
Félix au grand palais
Félix au grand palais
Félix au grand palais
Félix au grand palais
Félix au grand palais

Fin du 19ièm siècle début 20ièm, virage serré, épisode industriel et capitaliste, hypocrite et mesquin, cruel et charnière, qui chez Félix (le prénom lui va comme un gant, blanc) avec un petit air Suisse, un petit air de secret, bancaire.

Félix qui donc, parce qu’il jongle avec l’espace trop vaste et son vertige perpétuel, s’accroche à la ligne. Bien en place dans le cadre, il se perd pourtant.

Zola E. (184à-1902)

Sa liberté tient plus dans l’exercice de ses gravures.

Avec l’influence de prédécesseurs et maîtres comme Steilen et Toulouse Lautrec. Ambiance cabaret du chat noir (le chat, Félix, le chat, vous captez ?). Expert de la xylo (bois), qui se japonise. Masses noires, lignes blanches. Politique, scène d’intérieures. Gag et gravité. Je vois un peu de Goya (pour moi un modèle pour cette pratique) dans cette aventure très expressive.

Félix au grand palais
Félix au grand palais
Félix au grand palais
Félix au grand palais
Félix au grand palais

Entre les 2 étages de cette expo, deux grands écrans pour projeter du détail à Félix. Pas vraiment utiles. Coller au nez au pigment, donne mieux à voir et comprendre. C’est gadget.

Dehors, je contourne le grand palais. Songeur, encore des traces de peintures suisse fin 19ièm sur ma mémoire. Je me dirige vers le passé de quelques indiens d’Amérique. Belle queue pour Braque, et bien pire pour Dior. J’ai un instant peur qu’elle concerne le film de Curtis. Mais non, même grande entrée pour deux spectacles différents. Pour Curtis, personne. Que nous 4, dans la salle.

Félix au grand palais
Félix au grand palais
Félix au grand palais
Félix au grand palais
Félix au grand palais
Félix au grand palais

(aparté : L’œil photographique ? L’apparition de la photographique - autant que juste avant, la peinture en tube, industrielle - change évidemment tout. Le cadrage, la réalité et ses contre-jours, les perspectives acrobatiques qui s’émancipent de la Renaissance et du bien rangé, ou, des raccourcis qui annoncent la perte du sujet, au profit d’un motif… d’une peinture de peinture. Peinture de peinture ? La tentative (façon démiurge) de créer sans plus vouloir copier la création. Bien sûr d’histoire n’est faite que de ça, d’artistes qui singent pour plaire, séduire, appâter, avec des repères des codes et du cadre. Narratif ou mystique, flatteries et compétitions de dextérité (artisanales) techniques ou intellectuelles, inféodées au pouvoir, de l’argent et politique, spirituel, à la nécessité d’être dans la société, intégré, leader et, aimé si de la place encore pour ça.)

Félix au grand palais
Félix au grand palais
Félix au grand palais
Félix au grand palais
Félix au grand palais

À venir :

F.Dostoïevski écrivait-il du pQf (comme d’aucun de la prose) sans le savoir ? De nombreux indices poussent à le croire.

Tag(s) : #Art actu
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