Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Vincent Van Gogh

Scotché devant cette planche 50x50 de la série des "roses n&b", accrochée sur le mur du salon, dans un quasi état d'ébriété après ma recherche quotidienne et effrénée d'un job qui me sauverait d'une malnutrition non bio et de l'exaspération de mes proches, je pense subitement à Vincent.

Il se voit comme un poids pour son frère, ses proches et amis peintre. Après ses tentatives de séduire, convaincre, évangéliser, de s'allier à ses idées ceux qu'il aime, en définitive, il ressent le vide qui les séparent de lui. Pasteur raté, marchand d'art pas malin, ou, peintre "météore" (voir lexique pQf) à la Gréco ou Rembrandt, il n'arrive pas à convaincre, personne.

Je pense à Vincent, qui peint avec passion (lire "le joueur" de F. Dostoïevski pour en saisir la chair et le sang de celle-ci), avec une foi qui effraie les églises, avec une envie monstrueuse en dépit du bon sens commun, à son corps défendant et usé, avec cette détermination et assurance maladive d’être dans le vrai, le juste, où il faut. Et pourtant, tellement seul. Parce que nulle part, encombré avec sa sincérité absolue.

Malade de n’entendre que cette envie de l’autre de le « soigner ». Le soigner de ce qu’il est. Il cède par empathie. Concède pour échanger encore. Il est pourtant ça, définitivement.

De le guérir de sa passion, de ce qui est perçu comme folie, délire, simples dommages de la fée verte… le débarrasser de cette différence qu’il nourrit malgré lui. Être en mode créatif, oxygéné à la térébenthine. Il sait qu'il n’existe pas d’autres alternatives. Pas de salut. Pas d'issue.

Dans ses lettres, est lisible son désir de voir son frère adhérer à son art et, ses tentatives d’être « raisonnable », comme être comptable de sa folie ou ses délires, ses déviances vues comme telles. Justifier son délire à être lui.

Mais, aussi, est lisible sa maladresse, son emportement, la passion qui déborde dans les mots qui, lui échappent. Légère mousse sur les commissures du couvercle. Lumière qui gicle dès l'ébullition. Dans les mots, jetés, quelques essais bancales d'expliquer pourquoi la vie l'emporte si loin des autres. Dérive sans but, sinon ce qu'elle est : ce mouvement et une bousculade de l'être, comme processus créatif-destructeur.

Suicide ou pas (une version existe d’un accident avec enfants qui manipulent un pistolet, et que le peintre n’aurait pas voulu accuser ?), je pense que Vincent était heureux-malheureux de cette échappée, tant et tant perdu dans cette vie qu’il aimait, follement. Et qui lui rendait si peu. Ecartelé entre ne pas, ne plus nuire, ne déranger personne, et, son appétit de vie, sa gourmandise de couleurs, de saisir cette vie par tous les bouts, s'éparpiller l'esprit dans sa beauté sans fin, que sa faim de créer.

Je sais, me souviens, que tout ça m’a traversé violemment l‘esprit un matin dès l’ouverture du musée qui lui est destiné - fête de la Reine et après deux jours sans sommeil, années 90 - où je visitais ses derniers formats 50x100. Et particulièrement face au champs avec corbeaux. Mon frère Vincent.

A lire et relire absolument, les lettres de Vincent à son frère Théo.

A voir et revoir le Van Gogh de Pialat (qui dit plus le Jacques que le Vincent, mais tout de même... Jacques pas mal aussi.)

Tag(s) : #Art actu
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :