Consommé de moi.
Faut que j’achète. Quoi donc déjà ? Quoi encore ? Mais faut que j’achète, une machine à café expresso, 19 bars de pression, ou 15 suffira, mais sur le marché, sont toutes à capsule, et veux choisir librement mon café, une machine pas encombrante, laquelle ? Une caméra vidéo numérique, mais à disque dur, ou support disque, ou cartes SD, ou autre, pas encombrante non plus, solide ? Un pantalon, pareillement solide, où je me sens confortable, mais qui présente assez bien pour utilisation bureau, travail, recherche de travail ? Du dentifrice, de secours, voudrait pas en manquer avec mon haleine de mort qui me déborde, au cas où j’ai un jour une visite, ou une nuit, quelqu’un quelqu’une qui aura perdu son chemin dans mes escaliers ? Un ordinateur portable, puissant pour faciliter mon montage vidéo, ou pas si puissant parce que coûteux sans raison, qui a de l’autonomie, pour quand j’écrirai pendant des heures face à la mer, étanche, ou quand je visionnerai dans mes déplacements un Kaurismaki, un Jarmush, un Ivan le terrible qui dure dure, un série TV bien US, une saison entière, un boitier pas lourd, pas bruyant et qui ne chauffe pas trop ? Un drap housse, encore un, j’y arrive pas avec mon linge, bordel complet, rien ne sèche dans mon 13m2, faut que j’accentue le turn over ? Une essoreuse, à cause et à propos de ce que je viens d’écrire ? Un passeport, pour partir loin, peut-être, si ça me prend, Inde plutôt sud, la Russie, le Brésil, si pas possible autrement, si trouve ça mieux que, sauter dans le vide de mon chien assis, casser de la tôle et des os en bas, me saigner sur le bitume, quand l’idée idiote de ça me vient, me vient ici ou là, par malveillance interne ? En DVD, tous les « chapeau melon et bottes de cuir » avec Emma Peel ? De nouvelles lunettes de piscine, les miennes s’usent, le caoutchouc me blesse, et j’y vois de moins en moins, plastique rayé, l’eau s’insinue, le sinus dérangé, encore nager en long et jamais en large ? Une maison, même très détériorée, mais pas loin de la mer, m’y enterrer, m’y faire lichen, ne plus m’en faire parce que la mer me consolera, vague après vague, d’une tempête l’autre ? Un chat un chien, parce que la vie s’achète aussi, mais si tombe dans le coin, pouilleux affamés, presque dingues, je suis prêt à les accueillir chez moi, les nourrir, les soigner, les regarder vivre ? Une bonne conduite, pour ne pas me payer tous les murs, tellement roule dans mon n’importe quoi, comment et pourquoi, à divaguer en long large travers, et me cabosse tout dedans ? Une âme, même périmée, pour faire un peu sans l’idée de la mort qui me vermine ma vie, mes songes, mes illusions, me tape du « coucou » à chaque coin de rue avec une bonne claque sur la fesse, trop familière à mon goût ? Faut que je m’achète une autre vie, par exemple sur le site de « secondlife », et tricher comme chacun chacune pour pouvoir encore espérer = vivre, un petit peu encore ?