The native Free Hugg,
De mon fond de cour stratégique avec angle de vue qui coince quelques angles mort, je relève un attroupement. D’ordinaire ce type d’amas, signale ou, une chute acrobatique (accompagnée de rires, souvent forcés) ou, une bagarre (avec des cris qui poussent au crime) ou, une vive altercation verbale (soutenue comme un dico par les champions de l’injure) ou enfin, la venue surprise d’un extra-terrestre, du moins une anomalie dans le cours paisible des activités enfantines et adolescentes d’une récréation. Dans tous les cas, je me déplace. Je me dirige à grands pas, plus ou moins rapides selon le volume des cris et la grosseur de la grappe. Je fonce droit sur le cœur, à la source… pour désamorcer la plainte ou, arrêter le sang et les contusions.
Sauf que là, c’est inédit. C’est muet. Pas un bruit, rire, cri, insulte, rien. Ou, pas rien, plutôt presque rien. Une sorte de rumeur. Un bruissement. Du je-ne-sais-quoi en fabrication. Tout près, je sens une sorte d’énergie positive. Elle irradie l’espace ? Une aura heureuse, floue et claire ? Et je ne m’attends pas une seconde à découvrir ce qu’enfin, sur place, je vois.
Elle, lui, debout serrés mais pas fort, presque posés, reposés l’un contre l’autre. Yeux clos et sourires béats. Pas un baiser, rien, ou tout son contraire, immobiles et sereins, en confiance. Deux sixièmes de tailles égales, moyennes. Je les reconnais. J’avais déjà décelé comme la queue d’une intrigue entre ces deux spécimens. Des pourparlers nombreux avec des plénipotentiaires des deux camps, féminin, masculin, de deux classes, les B et les A. Surpris quelques messes basses, des approches, des commentaires, avec les excités du réseau-rumeurs qui font la pêche aux informations, dont Gwen (5ièm C), mon informatrice en chef.
Le ballet, c’est un ballet tout autour, me charme. Des gros poissons de 4ièm ou même 3ièm passent au large, et comme moi, ne veulent pas trop s’approcher comme par pudeur, ne pas déranger, ne pas troubler, seulement… observer. Je suppute ici ou là chez les grands, déjà une nostalgie. Ils vont bientôt quitter ce collège qu’il passent leur temps à vomir. Et pourtant… Un ban de 6ièm, la garde rapprochée, tout autour tournent doucement et sourient. Je ne bouge pas. Cela dure un temps. Je ne compte pas. Je ne calcule pas. Un temps admirable. Un instant de, grâce. Une apnée non intrusive, pour être au spectacle et à l’écart, au balcon. Je retiens mon souffle. Les « grands » et moi, pareillement intimidés, attendris, par autant de délicatesse. Douceur.
D’une douceur pas habituelle, quand le plus souvent il y a cruauté gratuite, humiliation. Laboratoire pour un tas de bas instincts aux stades immatures, maladroits, comme expérimentaux mais qui saignent déjà les cœurs, qui tatouent les esprits et qui, finalement, feront notre humanité pleine de cicatrices. Une humanité pas toujours recommandable, fréquentable.
Non, là, c’est la surprise. La bonne. Ce que nous savons aussi faire, ce qui parfois nous fait beaux. Notre éclat. Quand la lumière nous traverse et se disperse, crée un spectre, un arc-en-ciel. Ainsi et pas autrement, je vis et réfléchis et ressens cet instant. Notre intelligence originelle, quand douée de générosité.
Épaté, je m’éloigne. Ils se séparent. Tout ébloui. Lui avec ses potes, pour raconter et prendre les commentaires qui fusent, et elle, de même avec les copines envieuses et solidaires, rêveuses à plein régime. Les parents ne sauront rien de cet épisode. Le trésor enfoui et caché au fond d’un songe qui traversera leur vie, toute entière.