A propos « des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien » E.Macron (un jeune 1er de cordée).
Voilà bientôt 20 ans que je crée le mouvement « pQf » (dont quasiment personne n’a jamais entendu parler, et pour les rares, qui, ici ou là, par politesse seraient tombés dans mon filet à mots, s’en sont sortis avec quelques traces, des bribes de courant d’air dans les têtes, ceux-là, aujourd’hui, n’en savent plus rien)
Tout ce temps que je besogne sur cette matière, par principe, par nature, une matière « floue ». Parce que je la veux floue. Un flou, clair et pas net, que je définis « de bougé ». Et, dans le cœur de ce travail, mes « têtes de rien » (je commence ça plus de 15 ans en arrière ?). Une mise en volume, en équilibre toujours précaire, de cette matière que je pense et panse, pleine de failles et fêlures. Comme une vie, les vies des gens de « rien ».
Bien avant que le jeune Emmanuel et président parle du distinguo aux jeunes futurs "gens qui réussissent », je, qui me sais « rien », me fascine pour le « presque rien » de Jankélévitch. Pendant mon service militaire dans un régiment semi-disciplinaire plein de futurs « ratés » (pour cette société), tout habillé de kaki et le crâne rasé, au contact d’un jeune étudiant en philosophie, Thierry D, j’apprends dans les livres et la bêtise militaire, les possibles haut-relief et terribles contrastes de nos existences. Les failles, les éboulis, les crevasses. Avant même, bien plus tard, de savoir mettre tout « ça » en perspective dans mon « pQf » …
Je, rien, m’intéresse aux gens qui sont « rien ». Même pas jaunes, pas plus « influenceur », ni haineux (car frustrés) des réseaux, rien de tout ça, seulement rien.
tête marquée (sous sponsor) : au cigare, Davidoff, sous cube, Ikea.
Et
quand j’y pense, une petite histoire-Histoire me traine en tête, celle du charbon, celles des jeunes mineurs du siècle passé, qui sans école, sans les mots, descendent comme papa et grand-papa au fond des trous noirs, et parce que petits, vont plus loin chercher le caillou, remontent la nuit, toute une vie, remontent d’un enfer, du feu noir, et devenus adultes, plus que l’alcool et le sexe pour s’échapper, quand possible, chaque jour avec la peur du grisou, du chef, d’un dieu sans pitié qui cloue son fils sur une croix, génocide des humanités à tours de bras et sans distinction, peur d’un « rien », jour après jour jusqu’à une brève retraite quand un dernier bout de poumon trop encrassé ne peut plus rien respirer, essoufflé, détritus, oublié, rayé, quand la lumière se trouble et, vite, disparait. La mort qui ne console de rien, pas même de sa vie toute noire. Histoire que continuent les vies des migrants loin de chez eux, Pologne, Italie, Algérie. Toutes ces vies suspendues tout en bas par un câble d’ascenseur, et cage, très très loin des « sommets » … me trainent en tête, mon ADN d’intime conviction.
J’aimerais maintenant, une nouvelle fois, une dernière fois, faire exister mes « têtes de rien ». Une aristocratie de l’être, toute bricolée, improbable, transparente qui jamais n’apparaît, juste passe … passe un moment sur cette terre, dans cette vie. Des points sur la ligne, noire. Que je ponctue, juste un poil de +, avec le relief de mes mots. Et quelques poignées d’argile volée sur un bord de mer, de Manche. J’attendais de trouver le bon écrin pour les abriter. Me les rendre visibles, étranges, floues et pleines d’être. Une belle étagère ?
Je réfléchis en fait à une « mise en scène » type HLM, avec des liens, des échelles entre les cases ? Un lieu avec des courants d’air, une vue sur la mer. Je ne sais pas trop. Trop flou. J’attendais et puis, je sens que la vie va bien plus vite que je n’espérais pas. La peur me gangrène, l’ennui me fissure. L’inspiration et l’envie m’ont (presque?) abandonné. Chance (moyenne), les mots me tiennent encore dans cette lumière, artificielle.
Foule de têtes, sur carreau de terre cuite (de l'époque versaillaise).
mardi 27 octobre 2020, je sauve mes « têtes » d’un stockage brutal, juste après ma dernière expo de 2018, Erquy. Je rassemble les troupes, les ustensiles éparpillés.
Il y a dans tout ça : de l'argile breton ou normand (falaises des vaches noires), du sable des coquillage, des bocaux (cornichons, confiture, moutarde), des fils de fer et des pierres, un tas de coquillages, des bois flottés, des glands, du plastique, ardoise, croute de peinture à l'huile, une montre, des clés, éléments d'une cafetière italienne, et j'en oublie certainement dans cette distribution du vrac, non définitive. Assemblages en mouvement, en recherche, et en équilibre.
Là-dessus, les glacis du temps, des temps, des couches et des couches, nez oreilles, gueules cassés, fendus. Les têtes bougent ... des corps, une nature.
Environ 47 têtes encore viables - pas mal de casse en chemin - quelques bêtes et monstres en sup, pas mal de manque, d’absents au champ-d’honneur après mon Trafalg’Art 2018. Plus qu’à réfléchir au nouvel assemblage, créer d’un trait anartiste mon armée d’éclopés sous drapeau pQf, que des tronches de « rien ».
Et, si possible, les équiper, habiller avec mes mots, ceux qui restent et d’autres à venir, sur un mouvement créatif, massif.
Pourquoi pas une "œuvre" qui me tiendra de « réussite », perso, à jamais cachée ? Juste un murmure … le souffle d’un râle.
La « réussite » commune, vulgaire, affichée, enviée par la plupart, d’or et de papier, nuée de chiffres qui noient les mots, m’est-elle indifférente ? Autour de moi, ils et elles l’adulent, l’espèrent. Me la racontent en long et en large avec les yeux qui brillent (encore hier, j’entends le récit de la « réussite » d’un jeune migrant italien, doué du blabla).
Moi, rien, je ne sais pas. Un peu, beaucoup, totalement ? Mon idée de la réussite, pour cette vie - après la traversée des haut-relief - est floue comme un « pQf », brut de coffrage. Créer est l’unique sens, le flux et l’influx, la seule respiration possible à mes yeux dans cette existence, où, dans un trou, dans le noir, je m’encrasse poumons et pensées. Pressentiment intuition ou pronostic, pas bon pour moi de trainer dans le trou. Juste du charbon, aucune pierre précieuse là-dedans.
Tant pis pour l’écrin (Ai demander à Thierry B, beaucoup plus inspiré que moi, une idée sur le sujet), je décide de reprendre le fil de ma conversation avec mes riens, sous « sincérité augmentée », abracadabrantes formules d’équations sans solution.
Rien ou tout ? Être ça ou pas ? Question de lumière et d’ombre. Portée et/ou déportée. De perspective, d’échelle de temps, d’espace. Dans ma matière à penser, l’art, Rembrandt et Goya, Chardin, Vincent VG, Julian Demoraga. Kiefer, Rebeyrolles et Barcello, qui pianotent avec et entre les contrastes et les reliefs, le vide et le plein, de lumière et de noir, de vie et de mort, de bien et de mal, du beau et du laid, entre l’authenticité et le faux, me disent plus clairement qu’E.Macron ou mon compte bancaire, comment « vivre » le flou de notre bref passage ici-bas, à vif.
Et surtout, follement, avec poésie … poésie qui ne rapporte « rien », et apporte tout.
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Chaque tête me ressemble, autant par ce qu'elle me diffère que par ce qu'elle contient de moi. Elles sont toutes autant moi, que personne, que presque tout le monde. Pas tout à fait " tout le monde
Le commencement des « têtes de rien » / site historique pQf :
Merci maman-papa :
Info expo/Erquy : la « conversation » de Christian et Gaël Tual à nouveau visible début décembre (si autorisation du virus) + (possible plus tard?) « blog peinture » sur elle, et sur Christian, si j’arrive à trouver les mots pour le dire, comme j’entends encore sa voix.
"installation de 30 ans", mi-post-pQf-mi--presque-animiste (sur sujet de la réussite, des sous, des espérances et croyances, le TOUT en très vrac)
Boris Mitić - Entretien à propos de "L'éloge du Rien" | ARTE
Boris Mitić, cinéaste serbe, revient sur son dernier film "L'éloge du Rien". Le cinéaste explique comment il a procédé pour construire cette œuvre qui se compose de plus de 300 images, film...
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