Un tas de têtes de rien, en chantier.

extrait PQF? tome 7

14 juillet 2010 :

Il y a deux semaines, en bas des falaises des Vaches noires, entre Villiers-sur-Mer et Houlgate, un gisement paléontologique dans une argile sombre, je me sers. Je remplis un sac plastique de fortune, pas commode. Dedans, en plus des fossiles de machimosaurus hugii, métriorhynchus moreli ou SUPERcilocius, d’ichthyosaure (à situer dans le jurassique - callovien supérieur/mésozoïque post-dinosaures quand presque tout se passait encore sous l'eau - pour les férus d'os et d'empreintes hors d'âge), des produits marins tout frais et ses coquillages concassés, cailloux pointus-moulus, peut-être quelque pollution du large où la navigation industrieuse abonde, ou micro-spécimens de rejets digérés-éjectés par la ville. Elle commence à recevoir ses premiers touristes. Un maman-dinosaure et son petit, en herbe, regarde la mer sur la place de la mairie.

Voilà quelques jours que je malaxe cette matière très mélangée qui ne se laisse pas « faire ». Cinq ou six formes approximatives de tête, quasi humaine, en sortent, comme poussent dans rien, se forment dans mes mains. Je fais sans lunettes pour que mes yeux collent à la matière collante. Je découvre petit à petit mes nouvelles « têtes de rien ». Je mélange parfois l’argile avec du papier déchiré. J’allège et j’ossature et je crée un effet qui déchire, un peu, les traits difficiles des faces pas communes. Un rien patibulaires, boxées ? Blessées, qui a vu des choses ? Bourlingue entre les particules, voyageuses ? Traces de dinosaures ou monstres marins ? Mes mains prennent du plaisir avec cette mixture sombre, mais elles dégustent aussi. Dans cette argile, pas que de l’argile.

A voir maintenant comment tout ça va sécher, toucher encore, modeler du bout des doigts, jouer du détail, apporter quelques derniers soins que la matière bouge encore tout doucement. Me surprenne et m'apprenne.

Il faudra trouver les récipients, les accessoires, une histoire pour chaque tête qui lui ira comme un gant. Une histoire de rien du tout, qui me parle, me raconte, me dit un tas de choses que j’aime entendre, imaginer. Une histoire qui je l’espère, un jour, pourra plaire à d’autres que moi.