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autoportrait, flou.

 

Gerhard Richter – jusqu’au 26 septembre au centre Pompidou.

 

En exergue de l’expo, ce blabla : « je n’obéis à aucune intention, à aucun système, à aucune tendance ; je n’ai ni programme, ni style, ni prétention. J’aime l’incertitude, l’infini et l’insécurité permanente »

 

Et (qui me connaît, comprendra) j’adhère à cette profession de foi. Foi en l’art, bien entendu. L’art, comme articulation respiratoire de la vie.

 

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"Dépenses de jubilation" (lire Onfray) chez Richter

 

Sauf que l’insécurité au quotidien, ça bride pas mal, avec ou sans prétention. Bien sûr, je cause là à côté. Ce peintre célébré, de grosse côte internationale, ne parle que de l’insécurité dans son travail. Un travail (voir absolument film, et dans l’idéal toutes les expos qui lui sont consacrées en même temps à Londres et aux USA et je ne sais plus où encore ?) dont l’esprit et la méthode me plaisent. Une dialectique du hasard comme je pratique.

 

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Détail qui illustre le jeu du hasard et des accidents dans le travail de Richter.

 

La technique à soi qu’on invente petit à petit, qu’on pousse à bout, fignole et fiabilise, ou ébranle et bazarde vers un chaos de matière et couleurs… une exploration vers un « infini » du hasard. Avec une idée de création au pif, au paff et à la peine jusqu’à l’issue magique.

 

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Les débuts connus de Richter, et ses repro au carré de photos

 

Dans le film, Richter enduit son outil à peindre, une sorte de grande barre de sérigraphie. Et dans l’effort, lent, il glisse celle-ci sur la toile, déjà travaillée d’un fond brossé. Vaguement brossé aux couleurs primaires. Base de reflexion. Il voit apparaître et découvre un effet, qui au fur et à mesure des passages, se prévoit un peu mieux, mais pas plus que ça.

 

Derrière, en vérité, il ne sait jamais. Il espère, il espère de plus en plus précisément. Après, il prend son recul, réfléchit, laisse sécher, pour finir par juger. Créateur-dictateur, qui ne tiendra pas compte de l’avis de ses deux assistants ou de sa fille, de personne. Il sait, sans savoir expliquer (le journaliste insiste en vain, un rien largué… genre critique d’art)

 

Il sait ce qui fonctionne, ne fonctionne pas. Il sait quand c’est mal barré, foutu, pas loin mais raté, à suivre… ou fini et à ranger vite fait avant que le dictateur-créateur et forcément versatile, change d’avis comme de blouse. Il dit d’avance que certaines toiles tiennent une journée, une semaine, un mois ou…  qui sait vraiment. Il ne doute pas. Et puis il doute totalement.

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Nuage. Flou. Grand format et ma préférence sur toute l'expo.

 

Palette ultra simple. Peintures industrielles que ces assistants filtrent pour éviter le grumeau qui raye sous la barre. Beau fini, comme une illustration. Mais peu de profondeur. Un travail succinct du fond (la base de tout, selon un Rebeyrolle, Rembrandt et d’autres). Le nez dessus, cela frustre. Les lumières glissent sans aucun jeu. Coloris répétitifs d’harmonique sommaire. Un rien de facilité. Finit en une œuvre de feuilleté de glaces, dans lequel je me perds et me vois.

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hommage au nu descendant un escalier de Duchamp (pas Deschamps) - comme plus loin avec l'utilisation de verre (ci-dessous) dans son travail.

 

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Moi dans un Richter,

Dans un feuilleté de verres qui fait miroir...

Me fait miroir.

Effet miroir et répétitif.

 


D’ailleurs, Richter adore le gris. Et ses débuts se construisent en noir et blanc, avec des reproductions de photos, politiques, intimes, banales. Du papier chiotte, nuage et paysage, fille femme, un tonton en nazi, une tata en victime du nazisme, mort et funérailles des Baader-Meinhof. Un gris germanique comme serait hispanique, le noir. Ici, l’ombre d’un soleil timide et bas sur l’horizon dans un ciel couvert ou, là-bas, ombre tranchante avec soleil au zénith qui écrase tout, dans un ciel bleu saturé. Deux idées d’ombres, et du trait. De la vie, et de l’Art. De la lumière et ses effets.

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Les derniers travaux avec la big barre de sérigraphie (voir film)

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Paysage, flou.

 

Bien vrai, donc, pas vraiment de style ni prétention, que le succès. Presque mode et économique, from Berlin et mur détruit. Une célébrité qui presque le dérange parce que l’empêche de peindre. Bien loin de Dali, qui préférait sa célébrité à tout.

(que, même si la plupart pense le contraire, n’a à mes yeux aucun style… peintre appliqué qui module à l’infini le jeu de sa confusion mentale, simulée ou pas, poussé au cul par Gala, contrairement à Max Ernst, même période, même surréalisme, à mes yeux bien plus explorateur, avec trouvailles et talent parce que l’envie amusée de chercher… chercher sans forcément trouver... toujours qui relève de ces "dépenses jubilatoires" sans compter... sans calculer)

 

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Dans le film (moment clé de sa vie, qui manquerait à une bonne vision de son travail ?) un moment d’émotion intense : le vieil homme raconte comment, encore jeune, il fuit l’Allemagne de l’Est dite RDA, avec sa femme. Il quitte ses parents dans leur cinquantaine. Il n’imagine pas alors une seconde, qu’il ne les reverra plus jamais de sa vie. Devenu peintre célèbre, la RDA l’invite, mais trop tard. Il dit sa grande surprise, là, de ne pas revoir ses parents qu’il imaginait du début revoir un jour, figés dans leur cinquantaine, comme dans l’hibernatus. Il pleure, discrètement, puis sourit de sa Grosse naïveté. Larmes retenues comme il peut, avant la pirouette d’une extrême élégance, d’une très belle humanité… il revient à ses couleurs.


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Détail


 

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Un effet très plastique plastiqué, quand le nez dessus. Effet factice

 

Pourtant, rien dans tout ce travail de toute une vie n’arrive à me bidouiller en moi, le TRUC, l’émotion intelligente et animale. Un moment de surprise et de magie quelconque. Malgré dehors le ciel mélangé de gris et d’éclairs qui pétaradent, pluie qui gifle, un environnement tout électrique, rien de ça, du moment que j’attendais après la vision du film, rien dans ce que je vois, découvre ou redécouvre, en plus de ce que déjà ailleurs je vois encore de G.Richter hors de cette expo. Déçu, je sors et descends l’escalator de Beaubourg.

 

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Paysage en blanc, parmi ses derniers travaux (de A à Z dans film)

 

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Période grise. Dans film : une anecdote à son sujet, expo NY, amusante qui dégrise.

 

Mais tout de même, je me dis (sur l’escalator sous plastique dans un ciel d’orage) :

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Ma période grise ? Un ciel tourmenté à Paris.

 

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Détail de sa période grise, en plus remuant.

 

Voilà un être de belle qualité. Et encore un, qui - hasard ? - aura choisi d’être « artiste ». Choix presque au hasard (toujours dans le film) : maman le promène ici ou là, qu’il se fasse une idée. Une imprimerie, trop bruyante et sale, jusqu’à l’école des beaux-arts où Richter dit être heureux d’avoir reçu l’enseignement d’un médiocre…

 

Le film finit sur ce qui est pour moi la seule vérité, animale, du peintre, d’un artiste, du créateur, dieu ou Nature ou gag-spirit : Richter avoue à la fin d’une séance de travail, avec un grand sourire qu’il peine à cacher, comme surpris de ce qu’il pense, de la spontanéité et évidence de l’émotion qu’il veut partager, le peintre avoue avec une mine enfantine combien il s’est « régalé »…

 

Comme cela, je trouve, est foutrement PQF…

 

PQFment votre,

moinerveuxtHierry

Tag(s) : #Art actu
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